La gestion de l'innovation

Publié le par Sim

L’innovation est un concept à la fois polysémique et polymorphe (Loilier & Tellier, 1999). Ainsi, les chercheurs sur l’innovation vont de l’analyse de sa nature (produit, procédé…), de sa mise en œuvre en tant qu’objet technique, de sa concrétisation technique et sociale (Simondon, 1958 ; Sfez, 1973 ; Latour, 1992 ; Delaunay, 1994), des mécanismes de diffusion et d’adoption (Schumpeter, 1934 ; Rogers, 1983 ; Akrich, Callon et Latour, 1986 ; Damanpour, 1991 ; Drazin et Schoonhoven, 1996), ou encore des différents processus et de leurs impacts (Van de Ven et Poole, 1989, 1995 ; Abernathy et Clark, 1984).

Face à autant de travaux et approches qui témoignent à la fois de la centralité et de la diversité du concept d’innovation, il est souvent difficile de définir précisément l’innovation (Dosi, 1988). Cette difficulté vient essentiellement de l’automatisme entre technologie et innovation qui règne dans les différents travaux d’une part, et des différentes classifications et typologies d’autre part.

Schumpeter (1911) définit l’innovation[1] comme le moment de la réalisation de nouvelles combinaisons. Dans cette définition, Schumpeter n’inclut que des changements technologiques, seuls capable de créer un déséquilibre. Par la suite, ce concept a pris un sens plus large, intégrant aussi bien des changements technologiques qu’organisationnels. Néanmoins, la typologie de Schumpeter, sous-entend cinq situations différentes :

§  Fabrication d’un nouveau bien ;

§  Méthode de production nouvelle ;

§  Débouché nouveau ;

§  Nouvelle source de matière première ;

§  Nouvelle organisation.

Dans le cadre de ce travail, nous retenons volontairement une définition aussi large et ouverte de l’innovation. Ce choix se manifeste à la fois dans la nature de l’innovation prise en compte (organisationnelle, technologique, de produit-service, procédé...) et dans son degré d’intensité (radicale, mais aussi mineure ou incrémentale relevant éventuellement de la simple adaptation aux changements). Elle est également envisagée de manière extensive afin d’intégrer à la fois l’innovation produite en interne, issue de l’extérieur (politique ou technologique), inscrite, ou autonome (Burgelman, 1983 ; Mintzberg et McHugh, 1985 ; Burgelman et Sayles, 1987).

Selon, Zaltman, Duncan et Holbeck (1973) : « Pour qu’il y ait innovation, il suffit que l’innovation présente un caractère nouveau pour l’organisation qui l’adopte ». Il s’agit là de mettre en évidence le caractère relatif du degré de la nouveauté par rapport à l’innovateur et son environnement (Knight, 1967 ; Tidd et al., 2002). Dans ce sens, Schroeder et al. (1989) explicite encore plus le caractère non absolu de l’innovation : « une idée est innovatrice à partir du moment où elle est perçue comme nouvelle par les personnes impliquées, même si, pour d’autres personnes, elle semble être une imitation de quelque chose qui existe déjà ailleurs ».

Par ailleurs, selon Schumpeter (1912 ; 1939) : « La réalisation d’une invention et la mise en pratique de l’innovation correspondante sont, économiquement et sociologiquement, deux choses entièrement différentes ».

Cette distinction entre invention et innovation a permis de mettre en évidence quelques interrogations sur l’activité de création et la genèse des innovations qui reste énigmatique.

Ainsi, l’innovation ne peut être considérée comme un instant précis, celui de sa diffusion sur le marché, ou la fin de son développement technique, mais doit être envisagée en tant que processus qui va de l’invention à l’innovation. Dans ce sens, Gonard et Louazel (1996) mettent évidence le caractère collectif de ce processus d’innovation :

§  L’innovation ne peut être considérée comme un instant précis, celui de la mise sur le marché de la nouveauté, mais doit être envisagée en tant que processus.

§  L’innovation ne peut être portée par un individu isolé, l’entrepreneur[2] schumpétérien, mais doit être vue comme le résultat d’un travail collectif.

1.1.     L’innovation en tant que processus : un processus collectif 

Plusieurs travaux ont tenté de rendre compte des différents processus d’innovations. En effet, de la distinction faite par Schumpeter (1912, 1939) entre invention[3] et innovation[4] et l’impasse faite sur la notion de créativité laisse apparaître l’innovation comme processus linéaire et individuel (propre à l’entrepreneur schumpetérien) ce qui ne rend pas compte de la réalité.

Ce sont ensuite les évolutionnistes qui ont abordé l’innovation en tant que processus (Freeman, 1974). Ils parlent plus précisément de « coupling process » entre technique et marché (Freeman, 1974). Dans cette vision, l’innovation apparaît comme un processus d’interaction entre adaptation technologique et satisfaction du marché. Dans ce sens, Le Bas (1995) définit le processus d’innovation comme : « un processus qui transmet des impulsions, en reçoit, raccorde les idées nouvelles et les marchés ». Pour d’autres auteurs évolutionnistes comme Dosi (1988) l’innovation s’apparente à un processus de résolution de problèmes.

Contrairement à la vision schumpetérienne qui situe l’innovation au niveau de l’entrepreneur, un des apports des évolutionnistes est le rattachement de l’innovation à l’organisation et au rôle d’accumulation des compétences et des connaissances au sein des organisations (phénomène d’apprentissage), traitant ainsi l’innovation comme un processus cognitif (Dosi, 1988 ; Freeman, 1974 ; Nelson et Winter, 1982). Cette vision renvoie au caractère progressif et évolutif, notamment d’ajustement des activités des innovations au sein des organisations.

Gonard et Louazel (1997) considèrent ainsi que : « les firmes suivent des trajectoires technologiques qui désignent les chemins empruntés pour exploiter les gisements d’un paradigme. Ces trajectoires sont alors l'illustration du processus de sélection et d’apprentissage des techniques, mais également du processus d’élaboration des nouveautés ».

D’autres travaux, dont ceux de Roger (1995), se sont attachés plutôt, à la détermination des étapes du processus d’innovation. Wolfe (1994) fait la synthèse de ces travaux en proposant le modèle suivant : « une unité de prise de décisions prend conscience de l'existence d'une innovation, on en dégage les aspects problématiques ou bénéfiques, les coûts ou les bénéfices sont évalués, partisans et/ou opposants tentent d’influencer ce processus, une décision est prise pour adopter (ou rejeter) l'innovation, puis cette dernière est mise en œuvre, la décision d'innovation est passée en revue et confirmée (reconsidérée), l'innovation est acceptée comme routine, et elle se répand, c'est-à-dire qu’elle est appliquée à son plus fort potentiel… »[5].

Malgré les avancées apportées par les évolutionnistes, notamment sur le caractère évolutif, interactif et itératif du processus d’innovation, ils ne s’écartent pas de la vision linéaire reprochée à la vision schumpetérienne. Dans cette optique, d’autres travaux ont tenté de remédier à ce problème en traitant le processus d’innovation dans sa complexité, notamment Kline et Rosenberg (1986) qui ont tenté de substituer au modèle linéaire, un modèle de liaison en chaîne (Chain-linked model) ou encore les travaux de Van de Ven et Poole (1989, 2000) : « Research on the management of innovation : the Minnesota Studies ».

De ce qui a précédé, nous concluons que l’innovation est un processus. Néanmoins, comme l’ont mis en valeur les évolutionnistes, ce processus ne peut être l’œuvre de l’entrepreneur schumpétérien, mais tout un travail collectif au sein de l’organisation.

Au delà de l’aspect organisationnel de l’innovation, ce sont en particulier les sociologues qui ont rendu compte de la construction sociale des systèmes techniques (Gonard et Louazel, 1997).

Historiquement, c’est à Bloor (1973) qu’on doit la première intégration de la sociologie des connaissances et des sciences dures. Bijker et al, (1987), à travers leurs différentes recherches, ont mis en évidence la contribution du processus social dans le développement du processus d’innovation.

Selon cette vision sociologique du processus d’innovation, elle est considérée comme un « processus d’intéressement » (Callon et Latour, 1989). Ainsi, l’innovation ne concerne pas un acteur ou une organisation, mais s’apparente davantage aux interactions entre les acteurs qui en sont constitutifs.

L’innovation est un processus d’interactions entre différents acteurs. Sous cette acception, comprendre le processus d’innovation revient à comprendre ses interactions et le système de relations qu’ils construisent.

Selon Van de Ven & Poole (2000), la théorie d’innovation est fondamentalement une théorie de changement du système social. Alors que l’innovation est définie comme l’introduction d’une nouvelle idée, le processus d’innovation fait référence aux séquences temporelles d’événements qui se présentent comme une interaction entre acteurs pour développer et mettre en pratique leurs idées d’innovations dans un contexte institutionnel.

Cependant, l’interaction entre acteurs n’est pas dépourvue de tensions. En effet, selon Schumpeter l’innovation « dérange », puisqu’elle met en évidence l’opposition entre « risque » apporté par l’innovation, et « routine ». Cette opposition est souvent source de conflit.

Dans une perspective cognitiviste, selon March et Simon (1958, 2005), les nouveaux programmes d’activités, apportés par l’innovation, ne peuvent être introduits par une simple application des règles de changement des programmes.

Dans ce même ordre d’idées, Alter (1995), en se basant sur les exemples d’introduction de l’informatique dans les entreprises, et du développement de stratégies commerciales chez France Telecom, avance : « qu’aucun changement ne fait l’objet d’un accord de l’ensemble du corps social que représente l’entreprise. De même, ces transformations ne font jamais l’objet de résistances au changement consensuelles et définitives ». Ainsi, l’auteur laisse entendre que l’innovation avance dans un système de recrutement d’alliés par les acteurs favorables au changement.

L’innovation est un processus collectif, elle repose sur la mobilisation d’acteurs aux rationalités variées, souvent antagoniques.

Rappelons que dans le cadre de notre recherche, nous avons pour objectif, entre autres, à déterminer le rôle des innovations, propres au secteur de la santé, dans le processus de structuration des métiers. Autrement dit, nous nous intéressons aussi à la dynamique d’impact des processus d’innovations sur le métier individuel dans le secteur de la santé. Dans cet esprit, nous devons mettre en évidence les différents acteurs, comprendre les rapports formels et informels, relations de pouvoirs et de conflits, mais surtout tenir compte du caractère contextuel et particulier du secteur. En effet, Mohr (1982) suggère d’étudier les processus d’innovation en fonction de contextes organisationnels et technologiques spécifiques. Un tel objectif conduit à réaliser des études « processuelles » en se centrant sur un nombre limité d’innovations en vue d’approfondir notre compréhension des liens entre le contexte « organisationnel », les caractéristiques du processus d’innovation et celles des acteurs concernés (Van de Ven et Huber, 1995).

Dans cette perspective, nous allons tenter, tout d’abord, d’exposer les différents modèles de représentation du processus d’innovation.

1.2.     Le déroulement du processus d’innovation 

La littérature est féconde quant aux différents modèles du processus d’innovation[6]. Ainsi, en théorie, on distingue deux grands types de modèles :

§  Les modèles en phases se présentant comme des modèles séquentiels qui découpent le déroulement du processus d’innovation en étapes successives ;

§  Les modèles interactifs qui proposent une vision « interactive » du mouvement du processus d’innovation.

1.2.1.  Exemple de modèle en phases 

Le soubassement des « modèles linéaires » est leur « non interaction » selon deux aspects :

§  La non-interaction verticale : entre les phases de recherche, de développement et de production. Ainsi, ces différentes phases sont perçues comme successives et indépendantes mettant en jeu des acteurs différents ;

§  La non-interaction entre l’innovation et sa finalité. Dans ce sens, le client ou l’usager bénéficiaire de l’innovation ne joue aucun rôle dans son élaboration.

Ainsi, les modèles linéaires ne représentent aucune boucle de rétroaction entre ses différentes phases. Afin d’expliciter ces propos, l’encadré (19) illustre le modèle théorique proposé par Rogers (1983). Ce processus d’adoption et de contextualisation de l’innovation dans l’organisation contient deux grandes activités réalisées de façon séquentielle : l’initiation et l’implantation :

§  L’initiation comprend les activités de recherche d’informations, de conceptualisation et de planification en vue de l’adoption d’une innovation :

-          La mise au point de l’agenda représente la façon par laquelle les problèmes font surface et sont hiérarchisés et comment ils forgent le besoin d’acquérir une innovation ;

-          C’est lors de l’étape d’alignement que les membres de l’organisation tenteront de déterminer si l’innovation envisagée peut réellement régler le ou les problèmes soulevés lors de l’étape précédente (via des études empiriques).

À l’issue de ces deux étapes, une décision est prise quant à l’adoption ou au rejet de l’innovation. En cas d’adoption, la phase d’implantation est entamée (Rogers, 1995).

§  L’implantation comprend toutes les actions et décisions liées au déploiement et à l’utilisation future de l’innovation au sein de l’organisation :

-          Lors de l’étape de redéfinition/restructuration, l’innovation est modifiée et réinventée pour s’adapter au contexte particulier de l’organisation alors que les structures organisationnelles sont altérées afin d’accommoder l’innovation.

-          L’étape de clarification survient lorsque l’innovation est de plus en plus utilisée dans l’organisation. L’aspect social est crucial lors de cette étape puisque c’est au travers des interactions et des échanges quotidiens avec leurs pairs que les utilisateurs développent une compréhension commune de l’innovation.

-          Enfin, l’étape de routine débute lorsque l’innovation perd son identité distincte et fait partie des activités courantes de l’organisation. C’est à ce moment que le processus d’adoption prend fin puisque les membres de l’organisation ne perçoivent plus la technologie comme étant nouvelle (Rogers, 1995).

Encadré 18 : Processus d’adoption organisationnelle de l’innovation selon Rogers (Rogers, 1995) 

Mise au point de l’agenda

Alignement

Redéfinition /

Restructuration

Clarification

Routine

L’auteur considère en effet que l’adoption ne doit pas être vue comme un simple choix mais plutôt comme une série d’événements (processus) menant à l’utilisation continue de l’innovation étudiée.

Critiques : Ce type de modèle considère que l’aspect social n’intervient qu’après adoption de l’innovation. En conséquence, il reste très simplificateur de la réalité des interactions entre les différents acteurs.

1.2.2.  Les modèles interactif

Les modèles interactifs remédient aux lacunes du modèle précédent, notamment, en mettant en avant deux types d’interactions (Tellier et Loilier, 1999) :

§  celles qui concernent les différentes fonctions impliquées dans le développement de l’innovation (modèle intégré) ;

§  celles qui relient l’entreprise innovatrice à son environnement (modèle sociologique).

Dans ce sens, Kline et Rosenberg (1986) ont proposé le modèle des « chaînes interconnectées » (Chain-linked model) (cf. encadré ci-dessous) :

Encadré 19 : Le modèle interactif « Chain-linked model » de Kline et Rosenberg (1986) 

C : chaîne centrale de l’innovation ;

f : boucles courtes de rétroaction (feedbacks) entre des activités connexes de la chaîne centrale ;

F : boucles longues de rétroaction entre des activités non connexes de la chaîne centrale

D : relations directes entre la recherche et l’invention ;

S : soutien de la recherche scientifique ;

I : support de la recherche scientifique ;

K-R : lien connaissance-recherche ; si le problème est résolu au niveau K, ce lien n’est pas activé. 

 

Le Chain-linked model décrit le processus d'innovation comme une série de sentiers.

 

Cette série de sentiers illustre l’implication de la science et de la recherche tout au long du processus d’innovation. Cette interaction continue met l’apprentissage au cœur du processus d’innovation. Cependant, elle néglige l’aspect social du processus d’innovation.

Par ailleurs, selon Tellier et Loilier, (1999) : « d’autres modèles, développés par les sociologues de l’innovation, s’intéressent à combler ce vide en mettant l’accent sur les interactions entre l’entreprise innovatrice et la société. Ils cherchent à comprendre le processus par lequel l’entreprise parvient à faire accepter son innovation, au prix parfois de révisions profondes ». Ainsi, le modèle sociologique le plus souvent retenu est celui d’Akrich, Callon et Latour (1988). Il est baptisé le « modèle tourbillonnaire » (cf. encadré ci-dessous).

Encadré 20 : Le processus tourbillonnaire (Akrich, Callon et Latour, 1988) 

I

III

II

1

2

3

4

5

Première passe

Deuxième passe

Troisième passe

 

                1 : Recherche Fondamentale                  3 : Développement                     5 : Diffusion

                2 : Recherche Appliquée             4 : Démonstration

 

Dans ce modèle, l’innovation est décrite comme :

§  Le fruit d'un processus qui prend la forme d'un modèle en boucles itératives ;

§  Le processus de conception intègre dés le départ tous les acteurs du réseau de l’innovation (usagers, concepteurs…) ;

§  Le processus d’innovation est assimilé à une recherche continue de compromis et d’adaptation, ce que Callon et Latour (1989) appellent le « processus d'intéressement »

§  Le processus d’intéressement placé au centre de l’innovation met en exergue la dimension collective de l’innovation ;

§  La réussite d’un processus d’intéressement dépend de celle du processus de traduction. En effet, pour sa réussite, une innovation doit « intéresser » un réseau d’acteurs aussi large que possible qui porte, voire transforme, l’innovation. Pour intéresser, il faut « traduire » les demandes, attentes et observations de ce réseau dans « l’objet » en phase d’élaboration sous la forme de choix techniques délibérés ;

§  Le processus d’intéressement puis de traduction est un processus récursif au cours duquel le contenu des techniques et leur environnement évoluent conjointement.

L’encadré ci-dessous résume les caractéristiques des deux modèles exposés :

Encadré 21 : Comparaison des modèles « classique de diffusion et de l’« intéressement ». (Akrich, Callon et Latour, 1988) 

Modèle classique de la diffusion

Modèle de l’intéressement

- L’innovation s’impose et se répand d’elle-même par contamination grâce à ses propriétés intrinsèques ;

- En vertu de ses propres qualités, le produit lancé finit par se répandre à travers la société par effet de démonstration ;

- C’est aux utilisateurs de l’innovation de s’adapter soit de force soit par ennui ;

- Suppose une séparation irrémédiable entre

l’innovation et son environnement socio

économique ;

- Restreint le travail d’élaboration au cercle limité des concepteurs responsables du projet : pas de dimension collective de l’innovation ;

- La majorité des acteurs est passive ;

- L’innovation est à prendre ou à laisser.

- Le destin de l’innovation dépend de la

participation active de tous ceux qui s’y intéressent ;

- De nombreux liens réunissent l’« objet » à tous ceux qui le manipulent ;

- Le processus de conception intègre dès le départ tous les acteurs du réseau ;

- Le processus d’innovation est assimilé à une recherche continue de compromis et d’adaptations ;

- Comprendre comment est adoptée l’innovation,

comment elle se déplace, se répand ;

- Le mouvement d’adoption est un mouvement

d’adaptations ;

- La majorité des acteurs est active.

 

Critiques : le modèle en phases est plus clair sur le processus de mise en œuvre du projet que le modèle interactif qui est plus porté sur la diffusion, évitant le danger de l’organisation compartimentée en mettant l’accent sur des liens entre fonctions, techniques et commerciales…

1.2.3.  Le modèle de réconciliation

Les modèles séquentiels de diffusion et celui de l’interaction sont souvent opposés dans la littérature. Cette opposition a été fortement confortée par la sociologie d’innovation (Akrich et al., 1988). Cependant, Loilier et Tellier (1999) ont mis en évidence leurs complémentarités malgré les différences apparentes, dues à la différence des points de vue et aux préoccupations des auteurs.

Dans le modèle sociologique, le processus d’innovation est considéré comme un construit social qui prend corps dans un contexte fait d'interactions entre des individus et d'autres technologies. La question n'est alors plus celle de l'impact selon l’intensité de l’innovation adoptée. Elle ne se résume pas non plus aux facteurs pouvant influencer le processus (procédures et règles de gestion en vigueur dans l’entreprise…). Cependant, malgré la faiblesse dans sa mise en œuvre, le modèle tourbillonnaire est très utile dans le sens où il intègre tous les acteurs internes, mais aussi externes.

Selon Loilier et Tellier, (1999) : « ces deux modèles adoptent deux points de vue différents mais complémentaires. Le gestionnaire s’intéresse à la manière dont va pouvoir se mettre en place un processus qui sert le client et traverse les structures verticales formelles de l’organisation. Le sociologue s’intéresse au mécanisme par lequel le marché (…) va accepter cette offre nouvelle … ». Ainsi, selon les deux auteurs, on est dans tel ou tel modèle selon l’opérationnalisation de la vision qu’on cherche à adopter. Ces deux modèles ne sont pas antagonistes mais complémentaires.

De ce fait, la prise en compte simultanée de ces deux approches permet de réconcilier les critiques apportées à chaque modèle par les points forts de l’autre. Leur réconciliation permet de dépasser la dichotomie classique genèse/diffusion, d’une part, et d'autre part de répondre aux besoins du gestionnaire à pouvoir mettre en place un processus qui sert le client et traverse les structures verticales formelles, tout en tenant compte des contraintes et habitudes de fonctionnement de l’organisation via l’adaptation.

Ainsi le nouveau modèle du processus d’innovation représente un double mouvement de transfert d’informations et de connaissances (Loilier et Tellier, 1999) :

§  un transfert vertical : selon la séquence recherche - développement - industrialisation - commercialisation, qui détermine en grande partie l’organisation du processus dans l’entreprise ;

§  un transfert horizontal : qui correspond à la recherche de partenaires externes, d’applications nouvelles et de premières utilisations, qui nécessite la création de liens (parfois inédits) entre les fonctions de l’entreprise et l’ensemble des acteurs.

Ces différents modèles d’innovation indiquent l’architecture du processus d’innovation, mais ne rendent compte ni de l’intensité ni de l’impact de l’innovation. Ainsi, l’objet de cette seconde partie, est de voir les différentes typologies du processus d’innovation.



[1] Sous cette acception large, l’innovation mêle innovations techniques et organisationnelles.

[2] D'après Schumpeter, les entrepreneurs sont les agents dont la fonction consiste à exécuter de nouvelles combinaisons. L’entrepreneur n’est pas un inventeur, il n’est pas non plus le manager. Sa fonction consiste à réformer la routine de production et non à prendre en charge la conduite de l’entreprise. Enfin l’entrepreneur ne supporte pas le risque, cette tâche incombe au capitaliste.

[3] Selon Schumpeter, l’invention est une combinaison nouvelle des connaissances scientifiques.

[4] Selon Schumpeter, l’innovation : relève de la logique de l’entrepreneuriat. Le résultat en est une innovation (de produit, de procédés, organisationnelle…). La figure clef en est l’entrepreneur innovateur qui réalise des combinaisons nouvelles.

[5] Traduction faite par nous même du texte suivant : « A decision-making unit becomes aware of an innovation's existence, a problem or opportunity is matched to the innovation, the costs or benefits are appraised, sources of support and/or opposition attempt to influence the process, a decision is made to adopt (reject) the innovation, the innovation is implemented, the innovation decision is reviewed and confirmed (reversed), the innovation is accepted as routine, and the innovation is infused, i.e. is applied to its fullest potential.... ».

[6] La considération de la littérature récente sur l’étude du processus d’innovation considère que les similarités des processus conduisent à dépasser cette distinction (Van de Ven Angle et Poole, 2000 ; Charreire, 2002 ; Lepage 2004), même si ce positionnement est contesté (Cattan 2003).

[7] La science se décompose en deux composantes principales qui influencent l’innovation : (i) la totalité de connaissances humaines accumulées et stockées et (ii) le processus par lequel cette connaissance est corrigée et lui est ajouté. La recherche est décrite comme le processus qui alimente et corrige la science.

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